ENFERME-MOI SI TU PEUX ***
Textes de Anne-Caroline Pandolfo et dessins de Terkel Risbjerg


166 pages couleurs chez Casterman – 1ère édition mai 2019


Il y a un peu de David B et de Bézian pour les aspects surnaturels, un peu d’Hugo Pratt pour la distance et le non-dit, et enfin une touche de Chagall pour l’envol de la couleur dans ce très beau livre de Terkel Risbjerg … De l’audace contrôlée, du style pictural assumé comme déjà remarquable dans Séréna ou Perceval, deux de ses précédents ouvrages. C’est beau, c’est chaud, c’est doux et pourtant ça pourrait faire peur tant le sujet abordé est délicat, sensible et inquiétant à la fois.
Anne-Caroline Pandolfo a écrit une drôle d’histoire d’autrefois, quand les « pas comme tout le monde » étaient mis au ban de la société bien pensante et bien bourgeoise, bien blanche et bien patriarcale. En Occident, entre la révolution industrielle et la deuxième guerre mondiale il ne faisait pas bon être paysan ni mineur, ni fille-mère ni trisomique, ni pauvre ni même somnambule ! Le cumul était forcément éliminatoire ! Les garants de la bonne morale veillaient à isoler les brebis galeuses, à parquer les anormaux, à enfermer les malades psychiatriques… Un vent mauvais d’eugénisme semblait vouloir balayer la terre des Lumières…
Les six personnages authentiques qui se rencontrent et dialoguent dans ce conte, rendent hommage à l’Art Brut, disent le besoin de s’exprimer et de créer malgré tout, de s’évader loin de leur condition de rejeté, de leur enfermement, qu’il soit physique ou moral. Le temps leur a donné raison.
« Enferme-moi si tu peux » est une histoire de fous où nous nous évadons tous.
Pascal-André FAUCHARD

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